CORPUS


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Lectures analytiques de formes fixées :
"La Canso, l'alba" : textes du Moyen-Age


Arnaut de Maruèlh

Votre éducation, votre prix et votre valeur

- 1 - Votre éducation, votre prix et votre valeur, Dame que j'adore nuit et jour, ont tellement doté mon coeur de belle affabilité que plus je souffre, plus je chante et me réjouis ; et puisqu'Amour déploie à tel degré son pouvoir contre moi seul qu'il trouve le plus loyal, ni ma force ni mon savoir ne peuvent rien contre lui.
- 2 - Alors, Dame, que votre aide me soutienne et que Merci et Courtoisie vous vainquent, avant que l'amour et votre désir, dame la plus belle qu'il soit au monde, me tuent ; dire vos éloges il m'en manque la possibilité, car votre mérite est si riche et si grand, qu'il est supérieur à tous et élevé au-dessus des meilleurs.
- 3 - Je suis reconnaissant aux autres troubadours de ce que chacun d'eux garantit et affirme dans ses chansons que sa dame est la plus belle qui existe - moi je loue leur affirmation et les en remercie, quoi qu'elle soit fausse, car ma vérité passe saine et sauve à travers leurs mensonges, car pas un ne la reconnaît ni n'en pense du mal car chacun croit de même que c'est une complaisance.
- 4 - Dame, nous trois, vous, moi et Amour, nous sommes seuls à savoir, sans autre garant, quelle était la convention, il ne faut pas que je vous en dise davantage, car je suis à vous et je me proclame vôtre, et mon coeur est si joint et uni à vous de fin amour et de désir sincère, que mes vS ux ne seront pas fixés ailleurs.
- 5 - Dame de valeur, gracieusement louée, je n'ai plus du tout la maîtrise de mon coeur, mais je le tiens en fief de vous, dont je tiendrais le monde entier s'il était à moi. Et parce que je ne vous vois pas souvent, là où vous êtes, ma crainte ne me permet pas de vous imaginer dans mon coeur comme si j'étais là-bas, jouissant de l'extrême plaisir de vous voir.
- 6 - Dame, je suis reconnaissant du plaisir et des honneurs, et je le serai toujours si je vivais toujours, si vous voulez seulement souffrir que je nourrisse un doux espoir - puisque cela vous plaît, je sais bien que je dois le faire ; mais si j'en meurs, que me vaut mon doux espoir ? Si vous n'avez pas bientôt des sentiments plus profonds à mon égard, l'indifférence me fera désespérer.
- 7 - Je serais plus riche que les autres amants si j'avais la joie que je désire le plus ; on ne trouverait jamais mon pareil en prouesse, et rien ne s'opposerait à moi ; du grand avoir que j'aurais et du savoir, les portes du paradis seraient à moi, et je ne pourrais y trouver plus d'honneur.

Arnaut de Maruèlh

Giraut de Bornèlh

Roi glorieux...

- 1 - Roi glorieux, lumière et clarté véritables, Dieu puissant, apportez, s'il vous plaît, Seigneur, votre aide fidèle à mon compagnon. Car je ne l'ai point revu depuis que la nuit est tombée, et bientôt poindra l'aube !
- 2 - Beau compagnon, que vous dormiez ou veilliez, ne dormez plus ; éveillez-vous doucement ; car je vois grandir à l'orient l'étoile qui amène le jour ; je l'ai bien reconnue, et bientôt poindra l'aube !
- 3 - Beau compagnon, mon chant vous appelle, ne dormez plus ; j'entends chanter l'oiseau qui va cherchant le jour dans le bocage ; et j'ai bien peur que le jaloux ne vous surprenne, car bientôt poindra l'aube !
- 4 - Beau compagnon, montrez-vous à la fenêtre et regardez les étoiles du ciel ; vous saurez ainsi si je vous suis fidèle messager. Si vous ne le faites point, vôtre sera le dommage, car bientôt poindra l'aube !
- 5 - Beau compagnon, depuis que je vous ai quitté, je n'ai point dormi et n'ai cessé de prier à genoux Dieu, le fils de Sainte Marie, afin qu'il me rende mon loyal ami ; car bientôt poindra l'aube !
- 6 - Beau compagnon, vous m'avez prié, là-bas, sur le perron, de ne point m'endormir et de veiller toute la nuit jusqu'au jour ; et maintenant ne vous plaisent ni mon chant ni ma compagnie ; mais bientôt poindra l'aube !
- 7 - Mon doux ami, je suis en si noble séjour, que jamais je ne voudrais voir venir ni aube ni jour, car je tiens dans mes bras la plus belle qui naquît de mère. Voilà pourquoi je ne prise guère ni le stupide jaloux ni l'aube.

Giraut de Bornèlh